Un seul cerveau ne peut pas comprendre à lui seul les rouages de nos sociétés - Décideurs Magazine - 18/07/2022
Paule Boffa-Comby est l’auteur de plusieurs livres sur le leadership et coache les dirigeants. En 2014, elle insuffle le mouvement ReThink&Lead qui a pour but de faire émerger de nouvelles pratiques managériales. Son travail met en exergue le pouvoir du collectif.
Décideurs. Vous prônez la collaboration. En quoi est-elle si nécessaire ?
Paule Boffa-Comby. Le monde devenant de plus en plus complexe, un seul cerveau ne peut pas comprendre à lui seul les rouages de nos sociétés. Tout comme l’intelligence artificielle a pour vocation de connecter plusieurs ordinateurs, un leader collectif a cette vertu de pouvoir mettre en commun différentes sources d’intelligence. Les crises successives que nous traversons démontrent la nécessité de stimuler et écouter les talents de chacun. Le leader doit être à l’écoute de ce qui se passe dans son écosystème. L’efficacité tayloriste n’est plus suffisante. Les organisations ont trop tendance à travailler en silos, ce qui limite grandement leurs possibilités. Le charisme n’est plus la principale qualité attendue d’un leader, ce vers quoi il doit tendre, c’est de créer les conditions pour que chacun exprime son talent.
Le collectif est-il d’autant plus important en temps de crise ?
Personne n’aurait pu prévoir ce que nous avons vécu ces deux dernières années. Une entreprise doit avoir la capacité de répondre aux changements. Pour cela, il est nécessaire que chacun sache ce qu’il amène au sein de l’organisation, quelle est sa valeur ajoutée ; qu’il se sente écouté, partie prenante. Cela n’implique néanmoins pas que le leader prenne systématiquement en compte tout ce que chacun exprime car il reste le garant du résultat final. Il se positionne en mouvement entre l’écoute de chacun et le respect d’un cadre clair, des deadlines et de l’atteinte des objectifs.
"On peut gagner ensemble, trouvons le chemin. "
Le leader élabore une vision et embarque les collaborateurs…
Visionnaire ne veut pas dire être solitaire, il est possible de définir une vision ensemble. Chacun doit se sentir en responsabilité. Comme pour la construction d’une pyramide, nous avons tous une pierre à apporter à l’édifice sans laquelle rien ne peut se faire. La collaboration ne doit pas être envisagée comme la recherche du plus petit dénominateur commun entre plusieurs personnes. Collaborer n’est pas négocier, c’est chercher ensemble une meilleure solution. Cela peut parfois passer par des moments d’inconfort, voire de chaos, mais permet ensuite d’être certains de viser le même objectif. On peut gagner ensemble, trouvons le chemin.
Comment devient-on ce leader collectif ?
Il faut oser la confiance ! Le modèle classique au sein des organisations fonctionne souvent en donnant confiance aux collaborateurs qui sont performants. Ce prisme mérite d’être renversé. C’est en apportant de l’assurance aux individus que nous leur permettons d’accéder à la réussite. L’enseignement des crises est que nous ne savons pas tout, nous naviguons dans l’incertitude. Aller vers le collaboratif peut se faire par paliers. Il s’agit d’un apprentissage permanent. On gagne ou on perd ensemble mais perdre n’est pas une option.
Propos recueillis par Elsa Guérin
Articles suggérés