Parier sur le collectif pour préparer l’après – Les Echos – Chronique de Paule Boffa-Comby
CHRONIQUE :Comment se prémunir d’un « retour arrière » quand les sirènes de l’urgence et de la crise inédite se calmeront ? Il est temps de faire le pari du collectif.
En 12 semaines, 50 % de l’humanité a appuyé sur « pause ». L’impensable est arrivé, bouleversant tout sur son passage et plaçant chacun devant une incertitude lancinante, criante, et nombre de questions. En quelques semaines, il a fallu trouver des réponses, même provisoires, et se (ré) inventer en accéléré. En moins de deux mois, tant de choses se sont passées : l’arrêt des voyages, le télétravail , l’école à la maison, des alliances nouvelles, l’aménagement des process de production et des chaînes logistiques pour assurer la continuité des activités ou parer au plus pressé pour répondre aux besoins des soignants. Les capacités de rebond et d’agilité ont été démontrées. Alors comment capitaliser sur cet élan, sur tout ce qui, de fait, a été simplifié, rendu possible, repensé ?
L'opportunité dans la crise
Comment en effet se prémunir d’un « retour arrière » quand les sirènes de l’urgence et de la crise inédite se calmeront ? Comment le retour d’une certaine «normalité» peut-il ne pas signifier, également, le retour de la complexité, des silos, du chacun pour soi, des chaînes d’autorisations multiples et de l’« étouffement à l’usure » des initiatives individuelles ? Comment saisir l’opportunité d’entériner l’ère de la responsabilisation et de la confiance, du courage de placer l’intérêt général devant les intérêts particuliers ?
Car le constat est clair : partout où le dialogue et le collectif préexistaient avant la crise, les adaptations ont été rapides, extrêmement rapides même. Le travail à distance, la recherche de nouvelles modalités concrètes pour que l’usine ou les centres de distribution puissent fonctionner dans des conditions satisfaisantes pour tous, les réorientations vers des activités nécessaires en solidarité pour les soignants ou le pays, ou même l’acceptation de la nécessité d’un chômage partiel à durée indéterminée … Tout a été mis en place en 48 ou 72 heures, le temps de dépasser la surprise et la sidération, de se confronter la réalité et d’y faire face.
En revanche, là où les responsabilités individuelles et collectives n’avaient pas été cultivées, travaillées et réfléchies en amont, les obstacles se sont multipliés face à des décisions posées pour le bien de tous, mais souvent mal vécues et mal accueillies car « extérieures » et prises sans associer les collaborateurs.
Le collectif comme « nouvelle norme »
La mobilisation en faveur du climat avait déjà montré la nécessité – et l’envie – de nouer des alliances, de coopérer, de réfléchir et d’agir en commun pour gagner en impact et en efficacité. Soudaine et inédite, cette crise sanitaire et économique nous a replacés devant l’évidence : les interdépendances entre pays, entre secteurs d’activité, entre petites et grandes organisations, etc. Comment alors (encore) penser qu’il serait possible d’agir durablement sur la situation sans croiser les regards, sans faire se rencontrer et collaborer différents acteurs, différentes compétences, différentes parties prenantes pour s’assurer de pouvoir regarder la situation dans sa globalité et analyser les différentes dimensions du problème ?
« Si j’avais 60 minutes pour résoudre un problème, je prendrais 55 minutes à poser le problème et 5 minutes à le résoudre », disait Einstein. Or nos grandes organisations procèdent trop souvent inversement. Quelles que soient nos contraintes, nous pouvons, nous aussi, prendre le temps _ en l’ajustant à la contrainte_ de collaborer activement à penser collectivement « l’après » afin d’éviter de provoquer des effets secondaires potentiellement plus sérieux que les causes premières. L’union fera la force . A nous de jouer ensemble !
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