Savoir investir du temps pour ensuite en gagner – Les Echos – Chronique de Paule Boffa-Comby – 15/07/19
Avez-vous déjà tenté de tirer sur des fanes de carottes ou sur des têtes de poireaux pour qu’elles poussent plus vite ? Que vous soyez un jardinier amateur ou avisé, vous savez que cela ne sert à rien d’autre que de risquer de déraciner une jeune pousse trop tôt !
Une vision à partager avec le plus grand nombre
Alors pourquoi vouloir qu’un projet de transformation porte ses fruits avant même d’avoir donné l’opportunité à chacun de comprendre la raison du changement, la direction souhaitée et ce que l’on attendrait de lui ; voire de participer à enrichir de son angle de vue le diagnostic de la situation -et donc la solution trouvée ?
Comme un jardinier d'expérience, le leader avisé sait prendre le temps de placer les bonnes conditions afin qu'émergent la confiance et l'intelligence collective nécessaires pour que la récolte soit abondante et de bonne qualité : un peu de soleil (la vision), un peu d'eau (le lien), une terre fertile (le cadre), un binage régulier (l'autorité qui fait respecter le cadre). Et si vous essayiez ?
Si beaucoup pensent encore que la vision est le signe distinctif du leader, les dirigeants qui misent sur le collectif pour réussir les transformations savent que leur vision gagne en puissance et en force motrice dès qu'elle est partagée par le plus grand nombre. Ils n'hésitent pas à solliciter les avis_ y compris ceux qui divergent_ avec certes une intention mais sans idées préconçues. Ils accordent le temps suffisant à ce qu'émerge une synthèse partagée, à laquelle les équipes auront non seulement participé, mais aussi dans laquelle elles pourront se reconnaître pour la porter et la mettre en oeuvre.
Nourrir les relations pour poser les bases de la confiance
La confiance met du temps à se construire et se détruit en moins de temps qu'il ne faut pour le dire, tout leader en a fait l'expérience. Le « leader collectif » porte une attention toute particulière à créer des espaces-temps d'échange de qualité - formels et informels - pendant lesquels chacun a le droit (et le devoir) de partager librement son avis, ses idées, son talent pour faire avancer le collectif. Ayant la certitude d'être écouté et entendu, pris en compte et reconnu pour ses spécificités et pour la valeur ajoutée qu'il apporte au projet, chacun peut ainsi s'engager à contribuer à hauteur de ce qu'il peut amener de meilleur.
Poser un cadre clair qui libère les potentiels et permet l'agilité et l'innovation. Loin d'enfermer, il constitue de solides fondations pour le travail en collaboration. S'assurer régulièrement que chacun sait ce qui est recherché, comment les différents acteurs interagissent entre eux, ce qui est attendu d'eux et ce qu'ils peuvent attendre des autres, à quel horizon de temps et avec quel niveau d'investissement préalable, etc. constitue in fine un gain de temps précieux de par les moments d'inefficacité générés par des malentendus ou des enjeux de territoires que cela évite.
Une juste autorité
C'est grâce à ces trois composantes que vous pourrez établir la juste autorité, exigeante et bienveillante. Moins vous ressentirez le besoin d'exprimer formellement cette autorité et plus vous pourrez être assuré(e) que chacun sait que vous êtes là et pouvez agir en cas de nécessité, mais que vous avez confiance en votre équipe et qu'elle vous le rend bien. Alors, vous aussi, choisissez d'investir consciemment du temps en amont pour bâtir les conditions de la confiance et gagner en pertinence, en impact et en capacité à mobiliser les différents acteurs. ROI garanti !
Version audio de cette chronique
Paule Boffa-Comby est coach de dirigeants, professeur-visiteur à l'EMBA de l'emlyon business school, membre de la commission innovation sociale et managériale du Medef et auteure du « Leader collectif® » (Dunod).
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